November 4, 2015

Chère L

Je suis de retour.

J’ai envie de t’écrire. J’ai envie de te parler de cette rencontre.

Ton silence me désespère. Je reconstruis sans cesse dans ma tête cette idée de « nous ». Tu ne comprendras jamais.  

Je veux te raconter tout.  Il me semble qu’à travers chaque histoire, je te retiens un peu plus.  

Nous nous sommes retrouvées dans le même taxi par hasard. Elle ne posa pas de questions. Elle savait déjà et de toute façon, j’avais les larmes aux yeux et la gorge serrée.

Elle passa sa main tout doucement derrière mon cou. Une chaleur imprévue envahit mon corps. J’aurai voulu qu’elle m’embrasse à ce moment. Peu importe si c’était elle que je désirai ou une autre, peu importe si nous étions ensemble ou non. La vie souvent choisit pour nous et je me laisse faire sans gêne. Le désir unique de se retrouver dans les bras d’une inconnue pour la première fois est impossible à résister et doit se répéter autant que possible.  
Elle n’a pas de nom. Je peux l’appeler T. ou même A. Je contemple ses mains. Des mains que j’ai envie de toucher. Des mains qui font remonter l’envie subtilement. Des mains qui font rêver, soupirer. Des mains incertaines, endurcies, des mains qui ont travaillé, ont souffert. Des mains qui renferment des histoires. Des mains qui entretiennent un passé douloureux mais paisible. Ces mains-là, j’ai envie de les renifler, les effleurer, les sucer, les faire glisser sur ma peau, juste derrière mon dos.
Demain, il n’y aura plus d’histoire entre nous. Il n’y aura plus de « nous ». Demain, elle est celle qui se conforme, qui se réveille, met le café, réveille les enfants, prépare le petit déjeuner, s’habille et se présente docilement au travail.  Demain il n’y aura plus de désir, plus de mains, plus d’attente impatiente de toucher, d’exhaler.
Demain sera un autre jour, banal, ordinaire, en ligne avec l’ordre du monde. Avant le réveil de l’humanité, avant l’embouteillage dans cette ville sauvage aux gratte-ciels arrogants, j'ai foncé une dernière fois ses doigts à travers mes lèvres, dans mon vagin chaud et visqueux. J'ai serré mes muscles autour. J'ai retenu le tout en moi pour une éternité. Je me suis laissée aller au rythme des petites secousses de ce taxi  jaune qui, à mon grand bonheur, n’arrivait nulle part.


Je suis de retour et il pleut dans ma vie.

B.

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